Témoignages
« Je voudrais vous dire pourquoi j’ai accepté d’être le Président d’Honneur de la Journée Mondiale du Rein pour la France et le Président d’Honneur de la Fondation du Rein.
Les maladies rénales touchent plus de 850 millions de personnes dans le monde. En France, près de 3 millions de personnes souffrent d’une maladie rénale. Plus de 9 500 nouveaux patients arrivent chaque année en dialyse.
Plus d’un tiers de ces personnes n’ont jamais vu de médecin néphrologue. Ce qui est grave, c’est que leur médecin ne les ait pas orientées à temps vers un spécialiste. Et c’est d’autant plus grave qu’un dépistage précoce de la maladie rénale peut parfois éviter d’aller en dialyse.
Il existe aujourd’hui des traitements qui peuvent ralentir l’évolution de l’insuffisance rénale. C’est important de le savoir parce qu’un médecin, qui ne fait pas le diagnostic ou n’oriente pas le patient à temps vers le néphrologue, fait perdre une chance de vie à son rein, parfois une chance de vie tout court, et cela nous ne pouvons l’accepter sans réagir. C’est tout l’enjeu du dépistage et de la prise en charge précoce des maladies rénales et surtout, de l’insuffisance rénale chronique.
C’est pourquoi je me réjouis qu’il existe une Journée Mondiale du Rein et une Semaine Nationale du Rein qui peuvent faire connaître au grand public ces maladies. Ce ne sont pas des maladies honteuses qu’il faudrait cacher. Cela peut arriver à tout le monde. Personne n’est à l’abri. C’est arrivé à ma sœur Marie qui souffre d’une maladie rénale génétique, le syndrome d’Alport.
Très souvent, je devrais dire trop souvent, la maladie rénale n’a pas encore de traitement. C’est pour ces maladies rénales qu’on ne connaît pas encore qu’il faut aider la recherche. C’est ce que fait la Fondation du Rein depuis onze ans et c’est pour cela que j’ai accepté d’en être le Président d’Honneur. Et je suis très heureux que la Fondation du Rein développe depuis plusieurs années un important programme de recherches sur la thérapie cellulaire et génique dans les maladies rénales, en partenariat avec l’AFM-Téléthon, dont chacun connaît le dynamisme, et l’Association pour l’Information et la Recherche sur les maladies rénales génétiques (AIRG-France).
Mais quand on ne peut pas encore traiter la cause de la maladie rénale, les reins s’épuisent et ne peuvent plus assurer leur fonction d’épuration, la personne doit subir trois fois par semaine des séances d’hémodialyse ou des séances quotidiennes de dialyse péritonéale pour pouvoir survivre.
Je voudrais aussi rappeler qu’il y a un moyen d’échapper à la contrainte de la dialyse : c’est la greffe. Mais il n’y a pas de greffe sans don d’organe et il n’y a pas de greffe sans donneur. Et là, riches ou pauvres, nous pouvons tous donner nos organes. C’est simple, il suffit de le savoir, de le faire savoir. C’est le combat que je mène depuis plusieurs années, avec ma sœur Marie, à l’occasion des campagnes d’information sur le don de rein que mène la Fondation du Rein, qui a reçu le label « Grande Cause nationale » par le Premier ministre en 2009.
Mais il nous faut aller encore plus loin ; le combat est devant nous et ne peut pas s’arrêter. C’est pourquoi j’ai souhaité avec ma sœur Marie qu’un prix de recherche soit créé par la Fondation du Rein afin de financer des travaux de recherche sur la greffe rénale, le « Prix Don de Soi – Don de Vie ».
Il ne faut jamais oublier que donner, c’est utile, c’est même indispensable, cela peut sauver des vies ! Donner, c’est aussi aider la recherche sur les maladies rénales que subventionne la Fondation du Rein. »
Richard Berry, Président d’Honneur
« Dès la naissance de la Fondation du Rein en 2002, j’ai accepté d’en être la marraine lorsque le Docteur Brigitte Lantz m’a parlé de ce beau projet. Avec le comédien Daniel Gélin, premier Président d’Honneur de la Fondation du Rein, j’ai souhaité connaître et comprendre les malades souffrant de cette affection.
J’ai eu le privilège de rencontrer de nombreux patients de tout âge, dialysés ou greffés. Pleins de courage et de dynamisme, ils m’ont expliqué leur parcours, leurs difficultés, leur souffrance quotidienne et leurs espoirs. J’ai compris tout ce que la Fondation du Rein pouvait leur apporter en matière d’information et de soutien à des programmes de recherche.
La Fondation développe des campagnes d’information et de prévention auprès du grand public et des professionnels de santé, comme à l’occasion de la Journée Mondiale du Rein et de la Semaine du Rein.
Elle réalise des outils de liaison entre les patients et les médecins. Elle a ainsi créé, en partenariat avec le Ministère des Affiares sociales et de la Santé et l’Agence de la Biomédecine, la carte « Néphronaute » qui donne des conseils aux patients et informe leurs différents médecins sur leur maladie et leur traitement.
Je ne peux qu’encourager la mobilisation de chacun pour prévenir et détecter précocement les maladies rénales, faire progresser encore davantage la recherche et améliorer la qualité de vie de ces malades.
Merci de votre soutien, et longue vie à la Fondation du Rein ! »
Princesse Chantal de France, Marraine
Notre premier Président d’Honneur, Daniel Gélin, nous a quittés en novembre 2002. Son combat pour aider celles et ceux qui souffrent d’une maladie rénale fut exemplaire, car Daniel ne ménageait jamais sa peine. Juste avant de partir, il écrivait :
« Je suis dialysé depuis janvier 1999, j’avais alors 78 ans. Soixante-dix-huit ans d’une vie intense, une vie d’homme actif cumulant la fonction du comédien, de l’écrivain et du jardinier.
Du jour au lendemain, tout s’est arrêté. Mon insuffisance rénale s’est brusquement aggravée et je découvre en urgence l’appareil qui désormais allait me permettre de vivre. Aurais-je pu l’éviter ? Et voilà posé le problème de la prévention.
Bien vite je constate combien le public ne connaît rien de l’insuffisance rénale, ni de la dialyse, rien de son fonctionnement, rien de ses astreintes. Moi-même, avant d’être concerné, avais-je été informé ? Non, et l’information et la communication me semble primordiale. Je tiens à y participer le plus activement possible.
J’ai aujourd’hui 80 ans, une belle vie derrière moi ; souvent lors de mes longues séances de dialyse, je pense aux jeunes dans mon cas. Il y a l’espoir de la greffe et les magnifiques progrès réalisés. Mais encore une question : fait-on assez pour inciter au don d’organe ?
Grâce à la Fondation du Rein, ces journées vont nous aider à répondre et sans doute ouvrir d’autres débats enrichissants. Pour ma part, je suis fier d’avoir été nommé Président d’Honneur et je promets d’essayer d’être un porte-parole ardent, efficace et bénéfique. »
Daniel Gélin, premier Président d’Honneur †
Elle est née avec le syndrome d’Alport, une maladie rénale génétique. A 17 ans elle reçoit un rein, don de sa mère. 33 ans plus tard, le précieux greffon cesse de fonctionner.
Deux années de dialyse et un cancer du sein plus tard, c’est au tour de son frère Richard de lui offrir un de ses reins.
Grâce à sa première greffe, Marie a mené une vie bien remplie. Elle a travaillé, mis au monde un enfant, en a adopté un autre.
Aujourd’hui, consciente d’avoir tant reçu, elle veut donner à son tour. Richard et Marie se sont engagés dans un combat en faveur du don d’organes et y consacrent une énergie nouvelle : celle que l’une a puisée dans la reconnaissance, et que l’autre a trouvée dans le Don de soi. Richard Berry est devenu tout naturellement le Président d’Honneur de la Fondation du Rein et de la Journée Mondiale du Rein.
Ce livre est le témoignage bouleversant, débordant de courage et d’amour, d’une vie deux fois offerte, et vaillamment reconstruite. C’est un message d’espoir pour tous les patients dialysés et en attente de greffe, une invitation au partage pour tous les bien portants.
C’est une année de la vie d’une sœur et d’un frère, l’histoire des dialyses de Marie, de l’agenda surbooké de Richard Berry, notre Président d’Honneur, de leurs doutes et de leur courage à tous les deux, que nous fait vivre Minou Azoulay dans ce beau film documentaire.
La réalisatrice Minou Azoulay raconte : « Lorsque j’ai rencontré Richard, en mai 2004, c’était un homme en colère, un homme révolté par l’accueil des malades dans les hôpitaux. Et pour cause, il avait vécu de très près le parcours du combattant de sa sœur Marie, en attente d’une seconde greffe de rein. L’homme en colère s’est apaisé en me racontant l’histoire de sa sœur et du don de rein qu’il s’apprêtait à lui faire. Il s’est ému parce que les dons d’organes se font rares, et que les malades en attente sont souvent malmenés, toujours en survie. Alors, il m’a simplement demandé si je voulais suivre, produire et filmer ce don de rein, ce don de soi. Pas pour jouer au héros, mais par pure nécessité de montrer l’exemple et d’encourager d’autres hommes, d’autres femmes à donner, pour sauver des vies. »
Pendant un an, Minou Azoulay a donc suivi le parcours de Marie et Richard Berry, avant, pendant et après la greffe. Le résultat est un documentaire poignant, diffusé par France 2.
Mon frère avait 18 ans lorsque je lui ai donné un rein. Mais si ça s’est fait, c’est lié à une histoire familiale. Ma famille est atteinte d’une maladie rénale génétique.
Je suis issue d’une famille de six enfants dont trois sont atteints par la maladie. Mon frère aîné a été mis en dialyse à l’âge de 16 ans à domicile. Nous avons vécu pendant 5 ans avec cette dialyse et la machine à la maison. Maman faisait la dialyse, qui durait 8 heures à l’époque le soir, et la maladie a pris toute la place pendant 5 ans. Mon frère ne se plaignait d’ailleurs aucunement, sauf pour prendre son Kayexalate ; ça c’était très dur. Il a attendu la greffe pendant 7 ans et s’est marié. Il a été greffé avec un rein de donneur décédé et la greffe n’a tenu que quelques mois. Il est revenu en dialyse et a été victime d’un accident de voiture bénin dont il est décédé.
Je vais abréger l’histoire. La mort de mon frère m’a fait relire toute cette histoire différemment. La mort, ça donne une autre dimension à l’histoire que l’on a vécue. Ainsi, lorsque mon petit frère est arrivé à 18 ans au stade de l’insuffisance rénale terminale, j’avais 26 ou 27 ans et je n’ai pas voulu que ça recommence.
Maman était prête à refaire la dialyse à la maison. J’avais trouvé le seul moyen pour arrêter tout ça, grâce à un témoignage d’ailleurs que j’avais entendu à la télévision par hasard car on ne parlait pas du tout de greffe avec donneur vivant. Ce témoignage avait donc créé une sorte de déclic ; je me suis alors dit que c’était le moyen que j’avais pour faire quelque chose.
C’était très orgueilleux de ma part car je me disais : « je vais pouvoir tout arrêter, tout effacer ». C’était un gros sentiment d’orgueil. Il y avait beaucoup de révolte et beaucoup de vindicte là dedans. On me disait : « tu es généreuse ». Je répondais » oui, oui », mais je n’en pensais pas moins. Bien sûr il y avait de la générosité, mais il y avait cette révolte qui était très forte.
Il m’a suffi d’aller voir le médecin qui suivait Vincent, mon petit frère, et qui avait également suivi mon grand frère, et de faire des examens. On m’a laissé le temps psychologique de 2 ou 3 mois avant de me donner les résultats. Cela pouvait fonctionner. J’ai donc pu, à ce moment-là, en parler à mon petit frère, pour savoir s’il était d’accord. J’avais fait tous ces examens sans en parler à personne. Je n’en ai parlé qu’une fois que c’était possible.
Mon frère qui avait 18 ans a été d’accord. En fait, je ne lui avais pas trop laissé le choix. La transplantation a pu se faire dans des conditions extraordinaires, puisqu’on a pu prévoir la date. Il a donc été dialysé très peu de temps et, actuellement, je ne sais plus si ça fait 19 ou 20 ans que ça dure.
J’étais persuadée dans mon for intérieur, de façon irraisonnée, que ça marcherait. Je crois qu’il faut faire ce genre de chose comme ça, en étant porté. J’étais persuadée que ça marcherait, que ça durerait et Vincent, lui, fait très attention. Il a, je crois, établi une relation de grande confiance avec son néphrologue et l’a même suivi quand il a changé d’hôpital.
Et puis, ensuite, ma petite sœur est tombée en insuffisance rénale terminale, un peu plus tard, à l’âge de 28 ans et mon autre sœur cadette, qui a juste un an de moins que moi, lui a donné, à son tour, son rein. Voilà notre histoire.
Anne nous a quittés, toujours avec autant de courage, le 16 décembre 2020 à l’âge de 63 ans. Elle reste un exemple pour nombre d’entre nous.
Je m’appelle Caroline et depuis deux ans, je suis en dialyse péritonéale. Mon choix, vis-à-vis de cette technique, plutôt que l’hémodialyse, s’est surtout effectué vis-à-vis de mon confort de vie et de mes occupations actuelles.
En effet, je suis une formation d’assistante de service social et je souhaitais avoir à « caser des séances de dialyse » plusieurs fois par semaine. Je trouvais que le système de dialyse à domicile comportait moins de contraintes (il s’agissait de dialyse péritonéale de nuit, sur machine).
Bien sûr, les séances, qui se déroulent la nuit et dont la durée est approximativement de 9h20, engendrent quelques aménagements de mon temps personnel.
Mais, avec un peu d’organisation, j’arrive quasiment tout le temps à faire ce que je souhaite. De plus, la dialyse engendre peu de restriction sur le plan physique, ce qui m’a permis de continuer mon sport favori, l’équitation, cette activité me permettant de garder un certain équilibre sur le plan moral mais aussi relationnel.
Mais tout cela est maintenant du passé car, depuis un mois, j’ai reçu une greffe rénale. Celle-ci s’est extrêmement bien déroulée. Je pense que la dialyse péritonéale a été une bonne solution d’attente. En effet, mon activité rénale ne s’était jamais totalement arrêtée. Je suis restée, pendant cette année d’attente, en bonne condition physique, ce qui a permis un fonctionnement immédiat du greffon.
Je tiens donc à insister sur le fait que la dialyse péritonéale est une méthode qui s’est révélée être tout à fait appropriée pour une personne jeune, car elle m’a permis de vivre quasiment normalement et d’envisager sereinement l’avenir après la greffe.
Bonjour ! Je m’appelle Cécilia. Je suis née un 20 décembre à Paris en parfaite santé. A 28 mois, aux urgences de l’hôpital des Enfants-Malades, c’est formel, mes reins sont malades. Alors, je fais la connaissance du service de Néphrologie Pédiatrique et du Professeur Patrick Niaudet. On essaye de sauver mes reins, mais en vain.
En 1991, je suis en dialyse péritonéale, puis en hémodialyse ; le tout a duré un peu moins d’un an. En février 1992, j’ai été transplantée. Au début, j’ai eu deux rejets. Malgré tout cela, ma greffe a fonctionné sept ans et onze mois.
En janvier 2000, je retourne en dialyse péritonéale, mais en juin 2000, je vais à l’hôpital d’urgence pour convulsions. J’y suis restée trois mois avec mise en hémodialyse. Avec tout ça, je rate la rentrée en 5ème.
J’ai ma famille qui m’aide et je la remercie, mais il me manquait une amie. C’est là que j’ai rencontré Ana-Emilia et c’est alors que j’ai eu le moral. Mais si j’ai rencontré Ana, c’est à cause de mon régime. Comme je suis limitée en eau, potassium, lipides, protéines et sans sel, je ne pouvais pas aller à la cantine. En plus, j’habite un peu loin du collège, or Ana non. Alors, ma mère a demandé à la sienne si je pouvais apporter mon repas chez elle et la Maman d’Ana a accepté. Maintenant, Ana et moi sommes les meilleures amies. C’est drôle, car elle est beaucoup plus grande que moi. Comme dit ma mère, à côté d’elle, j’ai l’air d’une puce ! Ma petite taille m’a fait aussi de la peine. Mais maintenant, j’ai l’hormone de croissance, sauf que c’est une piqûre 6 jours sur 7.
Ma passion, c’est le théâtre, surtout comique. Sinon, il y a le traitement et les médicaments pas très bons comme le Kayexalate ! Il y a deux semaines, je suis revenue du Portugal, mon pays d’origine. Cela m’a fait du bien d’y aller car cela faisait deux ans que je n’y étais pas allée. En plus, en juillet, j’étais allée en Bretagne dans un centre médicalisé.
Maintenant, je pense à ma rentrée en espérant que question santé, ça sera mieux que l’année dernière. Mais pas de chance, car pour la Toussaint, je dois manquer les cours pendant deux mois pour subir une opération, qui enlèvera à mes jambes l’effet valgus, et faire de la rééducation. En tout cas, je dois remercier ma famille pour son aide (surtout Maman) et Ana-Emilia.
Enfin, je pense à cette fabuleuse rencontre avec vous. A bientôt.
Je tiens à vous exposer les raisons de ma motivation à continuer une activité malgré le régime d’hémodialyse auquel je suis soumis. Je suis dans ma soixante-douzième année et je suis dialysé depuis 12 ans. J’exerce la profession d’avocat depuis 1951.
En 1990, ne pouvant plus travailler à plein temps, j’ai pris ma retraite et suis donc devenu honoraire. Depuis lors, j’ai toujours continué à revenir au cabinet pour y travailler bénévolement, comme auparavant, c’est-à-dire faire du droit, gérer des dossiers et aider mes jeunes confrères. Le cabinet comporte 25 jeunes avocats. Je ne puis concevoir d’arrêter cette activité. M’estimant toujours apte à l’exercer, j’aurais, en cas d’arrêt, la sensation de devenir un être inutile dont les connaissances deviendraient sans intérêt. Cette perspective m’est intolérable.
Au cabinet, je suis toujours dans une ambiance de travail, qui me fait oublier mon âge et ma dialyse. Je suis en contact permanent avec des confrères plus jeunes, qui font appel à mon expérience, avec lesquels je déjeune à midi et qui n’hésitent pas à me rabrouer lorsque j’évoque ma maladie, me disant qu’il y a des situations pires que la mienne.
Je ne saurais quitter cet univers et rester constamment enfermé chez moi, à broyer du noir. Je dois vous préciser que je vis seul et que j’ai une mauvaise vue, puisque j’ai perdu la vision de l’œil gauche en 1978 et que ma vision de l’œil droit est réduite à 2/10e en raison d’une cataracte. Mon mode de vie surexposé ne constitue donc peut-être pas un critère valable pour les autres dialysés qui n’ont pas ces mêmes inconvénients.
Je tenais, par cette missive, à vous exposer ma façon de vivre.
Je m’appelle Cynthia et je suis greffée du rein que m’a donné ma maman depuis cinq ans. Je suis venue ici pour vous en parler.
À l’âge d’un an, je suis tombée malade et j’ai eu un syndrome urémo-hémolytique (SHU) qui m’a abîmé 75 % de mes deux reins. Maman s’en est aperçue, un matin en changeant ma couche (car je n’avais rien fait). Je suis allée directement à l’hôpital et les docteurs ont dit que j’avais une maladie rare aux deux reins, que je devais avoir une dialyse, pour me sauver et attendre l’âge de 6 ans pour me faire opérer.
À deux ans et demi, je suis partie aux États-Unis avec mes parents et mon frère Romain, où j’ai vécu sept ans. J’ai été suivie par un chirurgien qui s’appelle le Professeur Miller au Jackson Memorial Hospital de Miami, où j’ai subi plusieurs dialyses.
J’ai été opérée à l’âge de 6 ans avec ma maman à côté de moi en train de se faire opérer par un autre chirurgien.
Après la sortie de l’hôpital, mes parents m’ont inscrite dans un club de natation où je me suis entraînée pendant toutes les années où j’étais aux États-Unis. Mes parents ont su qu’il y avait des Jeux Olympiques des transplantés et ils m’ont inscrite. Les premiers J.0 auxquels j’ai participé se sont passés à Orlando avec l’équipe de Floride. Pendant la cérémonie d’ouverture dans un énorme stade où nous étions 10000 personnes de tous les pays du monde, nous avons eu la chance de rencontrer des personnes très connues comme J.R. de Dallas…
Le lendemain nous nous sommes amusés et je me suis échauffée dans une piscine à l’hôtel. Après le petit déjeuner avec Mickey et Donald, on est allé à ma compétition où j’ai fait 50 m dos contre des filles de 12 à 18 ans et j’ai remporté la médaille d’or. En rentrant à la maison, j’ai fait d’autres compétitions de natation contre des non-greffés où j’ai fait 50 m dos et je suis arrivée première. On m’a remis deux coupes que j’ai toujours.
Après, je suis rentrée en France et l’on s’est installé près de Paris le temps que Papa retrouve un travail. Nous avons ensuite déménagé sur Saint-Romain près de Beaune en Bourgogne, où je vis avec mes frères Romain, 16 ans, et Alan, 3 ans, dans une grande maison. Je m’entraîne trois fois par semaine au Club Nautique de Beaune.
Je suis partie avec ma maman au Japon en 2001, grâce à la ville de Beaune et d’autres personnes qui ont décidé de me parrainer pour les Jeux Olympiques Mondiaux des transplantés à Kobe. C’était une fabuleuse expérience et je suis revenue avec des médailles d’or et une de bronze. Encore merci à la ville de Beaune, à Monsieur le Député-Maire, à Monsieur Suguenot, et à tous les autres…
En 2002, j’ai participé aux Jeux Nationaux à Tours et je suis revenue avec des médailles, encore ! L’année dernière, j’ai fait un tas de compétitions et j’ai gagné une médaille d’or à Nuit St Georges en Côte d’Or contre des enfants normaux. Je serai au rendez-vous des Jeux Olympiques Mondiaux à Nancy et je compte bien ramener d’autres médailles après tous les efforts que je fais… pour mon pays !…
C’est grâce à ma maman si je suis en si grande forme aujourd’hui et je la remercie pour m’avoir donné un de ses reins… C’est aussi grâce au Professeur Patrick Niaudet et son équipe qui me suit à Necker. Aussi, je voudrais remercier mon papa et tous ceux qui ont cru en moi !
Sans oublier l’Association Trans-Forme qui me donne l’occasion de participer à différentes manifestations. Merci aussi à vous tous qui m’écoutez ce soir. Je suis la preuve vivante d’un enfant greffé et qui est heureux d’être là.
Je m’appelle Fabienne, j’ai 27 ans. L’histoire de ma maladie rénale a commencé en 1993, j’étais alors âgée de 17 ans et en classe de Terminale.
Depuis plus d’un an, je me plaignais de crampes nocturnes assez violentes et régulières qui étaient, d’après mon médecin traitant, probablement dues au sport que je pratiquais. Depuis quelques mois, je ressentais également une grosse fatigue quasi-quotidienne. Mais, le bac approchant, cette fatigue avait été mise sur le compte d’une année scolaire intense et d’horaires tardifs… Une nuit, j’ai eu une crampe si violente que j’avais beaucoup de mal à marcher le lendemain. Je suis allée consulter la remplaçante de mon médecin traitant. Ne me connaissant pas, elle a préféré me faire hospitaliser suspectant une phlébite. Le lendemain, après un bilan effectué à l’hôpital, les médecins m’ont demandé de consulter assez rapidement un néphrologue car mes taux d’urée et de créatinine étaient anormalement élevés ainsi que ma tension artérielle.
Il faut souligner que j’avais eu plusieurs infections urinaires ces dernières années et qu’aucune recherche d’albumine n’avait été demandée.
Je suis allée voir un néphrologue qui a diagnostiqué une insuffisance rénale et m’a indiqué qu’il fallait absolument m’hospitaliser pour un bilan plus complet. Le verdict est alors tombé : j’étais atteinte d’une glomérulonéphrite… Je me posais toutes sortes de questions : Qu’est-ce que c’est ? Est-ce grave ? Dans ma tête ce ne pouvait pas être grave, pas plus qu’une angine… Et pourtant, c’est à partir de ce moment-là que ma vie a été bouleversée! Le médecin m’a expliqué qu’il me fallait un traitement par corticoïdes à fortes doses pour essayer d’enrayer la maladie et si celui-ci s’avérait inefficace, il faudrait dans l’avenir probablement envisager de me dialyser… Je ne connaissais pas ce terme et de toute façon, je pensais à l’époque : « Je préfère encore mourir qu’être branchée à une machine ! « .
Après une année de cortisone qui s’est avérée inefficace, puis un an de régime et une surveillance rigoureuse, il a fallu me faire une fistule artério-veineuse en avril 1995 en vue de me dialyser prochainement. Je ne réalisais toujours pas ce qui m’attendait (malgré des explications du néphrologue et la visite du centre).
A cette époque, j’allais passer mon BTS de comptabilité et échouer de peu. C’est alors que l’été passé, au mois de septembre, l’inévitable arriva : ma première séance de dialyse, puis les séances s’enchaînèrent les unes après les autres tous les deux jours, pendant quatre heures, me contraignant à aménager mes études en fonction. Je commençais donc des cours par correspondance pour repasser mon BTS, puis après un nouvel échec, en attendant, je m’inscrivais à la fac. Enfin, en 1997, je débutais une formation de secrétaire médicale avec aménagement des horaires de dialyse. Dès 1995, j’étais inscrite sur la liste d’attente de greffe rénale. Lors de la consultation pré-greffe, le médecin m’a dit que j’étais sûrement atteinte de cette maladie depuis de nombreuses années et que je n’aurais jamais dû être en insuffisance rénale terminale, si elle avait été diagnostiquée plus tôt ! La découverte de traces d’albumine dans les urines dès l’âge de deux ans n’aurait-elle pas mérité des contrôles plus réguliers ? Des infections urinaires répétées, une grande fatigue et des crampes nocturnes n’auraient-elles pas dû nécessiter un bilan plus complet ?
Ensuite, ce fut l’attente… l’attente d’un appel téléphonique ! C’est au bout de deux ans et demi, le 17 octobre 1997, qu’un médecin du CHU de Bordeaux m’annonça : « il y a un greffon de disponible pour vous ». J’étais en cours et ce fut un moment d’émotion très intense. Ce jour là, ma vie a changé !
Très vite après la greffe, j’ai pu reprendre ma formation interrompue. Voilà maintenant 5 ans que je suis greffée, je suis secrétaire médicale au CHU de Bordeaux, à temps plein, je fais du sport, je vais pouvoir avoir un enfant, j’ai des projets plein la tête! Enfin je VIS et non SURVIS ! Je pense que fon devrait nous proposer systématiquement, tout au long de la maladie, un suivi psychologique, que ce soit avant la mise en dialyse, car il est très difficile du jour au lendemain d’être DEPENDANT d’une machine, de se dire que c’est « elle » qui nous permet de survivre, mais également pendant l’attente de la greffe, car le sentiment d’attendre la mort de quelqu’un d’autre est très difficile à accepter, enfin, après la greffe car vivre avec l’organe d’un donneur n’est pas évident. Je pense qu’il y aurait des progrès à faire sur ce plan là !
J’espère que cette journée pourra faire avancer les choses tant sur le plan de la prévention, d’un diagnostic plus précoce de l’insuffisance rénale, ainsi que d’un suivi psychologique tout au long de la maladie.
Je tiens à remercier le Docteur N…, le Professeur P… ainsi que tout mon entourage qui m’ont soutenue et permis de garder le moral dans les moments difficiles. Également un GRAND MERCI à toutes les familles qui ont su dire ce OUI, si important pour nous !
Bonjour, je m’appelle Loïc. J’ai 11 ans et j’ai été greffé il y a trois ans. Avant, j’étais en dialyse : d’abord péritonéale avec un cathéter dans le ventre, puis en hémodialyse trois fois par semaine, pendant trois heures. Puis, un jour que j’étais en dialyse, on m’a dit que j’allais être greffé, qu’on avait un rein pour moi.
J’étais content mais j’avais un peu peur de l’opération. Après la greffe, je me suis réveillé dans la chambre de réanimation, branché de partout et mes parents étaient là. Le rein a très bien fonctionné. J’ai eu de la chance car cela arrive que ça ne marche pas.
Après la greffe, je suis venu souvent en consultation, où on m’a dit que j’étais le 1000ème enfant greffé de l’hôpital des Enfants-Malades. Alors, après j’ai eu une surprise ; je suis passé au journal de 13 h 00 à la télévision, puis, je suis allé au Sénat où était organisée une cérémonie pour les enfants greffés avec le Ministre de la Santé, Monsieur Bernard Kouchner, des médecins, des infirmières et d’autres personnes… C’était très bien et très beau.
Maintenant, tout va bien pour moi comme pour un autre enfant, à part des médicaments à prendre tous les jours, mais cela n’est rien par rapport à avant.
Au commencement…
Voilà déjà quatre ans que notre famille s’est retrouvée plongée, du jour au lendemain, sans préparation aucune, dans le monde médical et celui de la néphrologie. Louise souffre d’une insuffisance rénale sévère, diagnostiquée trois jours après sa naissance, par des médecins nous ayant laissé alors aucun espoir de traitement. Cependant, le service de néphrologie pédiatrique de Strasbourg a été contacté et nous a proposé une prise en charge : la dialyse péritonéale.
A deux semaines, le traitement a débuté : Louise a eu « son » cathéter. Trop vite, nous, parents, avons dû faire le deuil de tous les projets légitimes de tous ceux qui accueillent pour la première fois un enfant en leur sein. Trop vite, nous avons dû faire face à la prise en charge hospitalière lourde et impressionnante qui a été celle de Louise dès ses premiers jours.
Après ce premier choc, il y en a eu bien d’autres… Cela a duré près de deux mois et demi, durant lesquels notre univers a été notre chambre au CHU de Hautepierre à Strasbourg.
La dialyse à l’hôpital…
Louise a pu profiter au quotidien de la présence de sa maman, grâce à une amie qui lui a offert l’hospitalité. Nous habitons, en effet, à plus de 100 km de Strasbourg, et c’est une grande chance qui s’est présentée là. Son papa a fait tant qu’il l’a pu le voyage pour rejoindre sa famille. Petit à petit, Louise a grandi cahin-caha dans cet environnement parfois hostile, entourée d’un personnel médical prévenant. Il y a eu nos coups de gueule, nos larmes, nos rébellions… Certains en ont fait les frais !
Nous revendiquions notre place de parents et à ce titre étions très exigeants sur la manière dont Louise devait être prise en charge. Souvent, nous avons été entendus et compris. La dialyse sur nourrissons en était à ses débuts et le personnel médical a dû s’y former. Chacun de sa place a aussi fait les efforts nécessaires à la mise en place de liens cordiaux : nous allions vivre ensemble pour de longues années, et cela était primordial.
C’est très certainement ce qui explique en partie la bonne évolution que connaît Louise. Nous formons aujourd’hui une équipe de soignants. Tel était aussi le but de ces premiers mois passés à l’hôpital. De jour en jour, la dialyse péritonéale avait de moins en moins de secrets pour nous : c’était l’école de la dialyse, nos enseignants étant le personnel du service. Monter le cycleur, brancher Louise, changer le pansement de cathéter, gérer les alarmes… et tant d’autres détails techniques, nous avons appris tout ce que nous avons pu. Nos questions étaient nombreuses et comprendre les résultats d’analyses nous importaient beaucoup.
Des rencontres d’amitié…
Durant ces premières semaines, nous avons eu la chance de rencontrer dans le service une famille qui vivait les mêmes évènements que nous. Ils sont aujourd’hui nos amis; cette amitié est née alors, dans le soutien que les uns apportaient aux autres, dans le réconfort des moments difficiles et de découragement. Par la suite, nous avons rencontré plusieurs petits dialysés et leurs parents; un tissu de relation s’est ainsi tissé, pour le bien de tous. Voir grandir ensemble nos bout’choux aussi bien et de façon si différente, nous apportent beaucoup.
Les problèmes d’alimentation…
Un gros souci est apparu très vite : l’alimentation. Louise ne mangeait pas assez, vomissait beaucoup. Il a fallu la nourrir par sonde nasale pendant 3 ou 4 semaines. Mais nous avons décidé de nous battre; cela a été rude, il a fallu batailler ferme. Les résultats n’étaient malheureusement pas toujours à la hauteur de nos efforts. La balance était devenue notre ennemie quotidienne! Pour corser le tout, Louise était souvent très encombrée ; cela la gênait pour avaler, et souvent il lui fallait vomir ses glaires pour pouvoir manger après ! Ce fut une période dramatique et démoralisante pour ses parents et dure pour elle. Le spectre de la gastrostomie rôdait autour de Louise, mais nous n’en voulions pas. Jamais nous n’avons lâché prise et aujourd’hui, le temps semble nous avoir donné raison. Même si, il est vrai, les choses ne sont pas aussi parfaites que cela : l’alimentation reste encore un « combat » et les bons vieux réflexes de régurgitation des premiers mois reviennent au galop, dans un chantage affectif diablement bien chorégraphié ! Là aussi, nous avons appris à vivre avec et à avaler parfois la colère qui gronde en nous, face à notre impuissance… Nous avons aussi aidé Louise, face à son dégoût de la nourriture par des traitements homéopathiques, qui lui ont été bénéfiques.
Le retour à la maison…
Au bout de cette formation, et quand Louise a été prête à quitter son environnement protégé, il a été question du retour, enfin, à la maison. Que les jours ont été longs ! Mais le moment est arrivé. Ce fut une sacrée aventure ; les préparatifs logistiques étaient nombreux. Il a fallu réaménager la chambre de Louise, étudier mille et une choses. Une infirmière et le Professeur Michel Fischbach nous ont accompagnés au cours de la première nuit et, ma foi, cela s’est bien passé.
Une nouvelle vie à organiser…
Rapidement, il a fallu songer à l’organisation de notre nouvelle vie. Des choix s’imposaient. Ainsi, la maman de Louise a cessé son activité professionnelle au-delà de son congé de maternité. Elle a bénéficié alors d’un congé parental légal, jusqu’au 4 ans de Louise (et non jusqu’à ses 3 ans comme généralement, car Louise est titulaire d’une carte d’invalidité à 80 %). Prise en charge par la C.D.E.S., elle est bénéficiaire de l’A.E.S. et du complément correspondant à la nécessité d’une tierce personne, sa maman en l’occurrence (à la condition que cette dernière cesse entièrement son activité professionnelle). Nous avons tous apprécié à juste titre cette situation, qui nous a évité des soucis financiers dont il est vrai, nous n’avions pas besoin, en plus!
Une présence primordiale…
Mais voilà que Louise a 4 ans : la présence de l’un de ses parents à ses côtés reste nécessaire. Avoir un enfant dialysé à domicile relève d’un travail à plein temps : même si Louise est aujourd’hui scolarisée, la dialyse rythme chaque jour de sa vie. Il y a les médicaments, les pansements à changer régulièrement, d’autres soins infirmiers… Et toujours l’éventualité d’un pépin! Nous savons bien de quoi nous parlons, car les incidents de parcours ont été nombreux : les péritonites se sont succédées; voilà quelques mois, le cathéter a dû être changé… Nous avons ici fait le choix de toujours accompagner Louise dans ces moments difficiles. La possibilité est offerte par le service où est hospitaLisée Louise, de bénéficier d’une chambre » parent accompagnant ». En profiter librement, sans contrainte professionnelle est tout sauf un luxe. Le fait d’avoir constamment sa maman à ses côtés, dans les bons et les moins bons moments, est une chose inestimable. Or, avec la fin du congé parental, il faut chercher d’autres solutions. Et la tâche se complique. La suspension du contrat de travail de l’un des parents, dans une telle situation, devrait aller de soi. Tout comme devrait aller de soi le dédommagement financier qui y est inhérent.
Profitons de ces humbles lignes pour en interpeller les pouvoirs publics. Pour nous, des solutions immédiates sont possibles et la maman de Louise peut compter jusqu’à présent sur le soutien moral de son employeur. La prochaine grande étape pour nous sera la greffe. Louise est évidemment la première concernée et nous la préparons à cette échéance aussi bien que possible; pour ses parents, voilà une source d’angoisse terrible. L’inconnu effraie toujours !
La dialyse de Louise…
Louise a toujours vécu avec « sa » dialyse. Aujourd’hui c’est elle qui s’étonne de voir les autres enfants sans cathéter et sans cycleur. ELLe ne se sent pas différente des autres enfants et s’intègre rapidement dans les groupes : crèche, école, parc à jeux… Elle manque juste l’école de temps en temps pour aller à l’hôpital. Louise vit du haut de ses 4 ans et elle compte bien profiter de toutes les choses qui l’entourent. Mais restent les souffrances physiques et morales, liées aux prises de sang régulières, aux perfusions, aux injections hebdomadaires d’érythropoïétine, à des soins douloureux et traumatisants comme la cystographie… Louise subit tout cela et nous fait savoir qu’elle n’est pas d’accord et qu’elle a mal. Passée la douleur immédiate, Louise semble oublier et retourne à sa vie d’enfant. Elle doit savoir que cela fait partie du « jeu ». En 2001, Louise a été hospitalisée tous les mois, de juillet à décembre. Contre toute attente, elle était plutôt contente d’aller à l’hôpital pour jouer dans la salle de jeux et retrouver d’autres enfants! Cet environnement ludique lui a permis de dédramatiser des soins parfois douloureux. Et lorsqu’elle est à l’hôpital, elle est un peu chez elle, elle connaît tous les couloirs et tout le personnel. Elle y a passé les trois premiers mois de sa vie !….
La vie est belle…
Les contraintes imposées par son insuffisance rénale ne nous semblent plus aujourd’hui aussi terribles qu’il y a deux ou trois ans. Louise va bien, et dans son corps et dans sa tête. Les conséquences de son insuffisance rénale sont les moins lourdes possibles et ont permis à Louise d’évoluer le plus normalement possible, en étant toujours accompagnée par ses parents, dans les pires comme dans les meilleurs moments. Nous n’avons jamais considéré Louise comme une enfant « fragile » qu’il fallait ménager et elle nous a prouvé que nous avions eu raison. L’été dernier, nous nous sommes autorisés (avec l’accord médical) des vacances ensoleillées au bord de la mer. En dépit de toutes les difficultés au quotidien que sous-tend une dialyse à domicile, cette expérience nous a montré que beaucoup de choses sont possibles malgré tout.
Et des choses belles qui plus est ! Louise est une enfant différente, bien sûr, mais en veillant à ne pas tomber dans les travers du misérabilisme et de la pitié, nous cheminons ensemble dans la vie. Et la vie est belle…
Je pensais que mon histoire n’avait pas un énorme intérêt puisque, grâce aux soins excellents du Pr Jean-Pierre Grünfeld, je n’ai plus qu’une insuffisance rénale, peut-être chronique mais très marginale. Je me suis aperçu que mon cas pouvait se relier à un certain nombre d’observations faites par les praticiens. C’est ça qui présente un intérêt.
Mon insuffisance rénale a été découverte à l’occasion d’un bilan sanguin que me faisait faire, périodiquement, mon cardiologue, après une opération cardiovasculaire. Alors vont apparaître ici la sympathie entre la pathologie cardiovasculaire et la pathologie rénale. J’ajoute que je totalisais – et cela m’a frappé parce que cela a été dit par un des intervenants quant aux facteurs de risque que pouvaient présenter les coronarographies – deux coronarographies et deux dilatations.
Cela étant, ce dépistage – parce qu’on établit facilement des conclusions entre prévention et dépistage, dans mon cas c’était un dépistage quasi-accidentel – ce n’était pas par hasard que mon cardiologue me faisait doser ma créatinine mais, toujours est-il, que c’est brusquement que le taux de créatinine est devenu un peu plus élevé.
Mon histoire comporte un enseignement: il faudrait être suivi très régulièrement et très fréquemment pour être sûr d’échapper au caractère inopiné d’une « poussée » de créatinine.
J’ai eu la chance de pouvoir consulter rapidement le Pr Jean-Pierre Grünfeld, qui m’a pris en charge et admirablement soigné, car je souffrais d’une fibrose rétro-péritonéale, affection qui, je crois, se dérobe à la chirurgie invasive. Elle n’est donc justiciable que de la médecine avec, quand même, un petit détour chirurgical, puisqu’il s’agissait de réaléser l’uretère.
L’enseignement que je retire, c’est que j’ai connu un certain nombre des facteurs de risque qui ont été évoqués ici, si ce n’est que je ne fume plus – mais depuis peu de temps – j’ai accumulé pendant de nombreuses années un passé de fumeur qui vous suit jusqu’à la fin de votre vie; je ne crois pas « faire de l’hypertension artérielle » – je suis assez superstitieux, je n’en faisais pas la dernière fois que l’on m’a contrôlé il y a une huitaine de jours – je ne crois pas être diabétique et je lance cette appréciation avec encore plus de prudence car ma dernière glycémie ne date pas d’hier.
Le sénateur Michel Caldaguès nous a quittés le 22 septembre 2012. Il restera toujours dans nos cœurs.
J’étais étudiant au moment où j’ai connu la dialyse. J’étais assez jeune la dialyse, pour moi, s’est accompagnée d’anémie, donc d’impossibilité de faire des efforts physiques. Quand on a 17 ou 18 ans et qu’on ne peut pas aller en boîte de nuit, qu’on ne peut pas manger ce qu’on veut, qu’on se fait doubler par les grands-mères dans le métro en montant les escaliers, c’est dur ! J’ai l’habitude de dire que si j’avais été un joueur d’échec, plutôt que quelqu’un de sportif, j’aurai beaucoup mieux accepté la dialyse.
La dialyse, pour moi, c’était la terreur, c’était vraiment le contraire de la vie. Je pense que c’est bien d’être manichéen parce que, finalement, je n’ai pas eu d’hésitation pour demander la transplantation. Si bien que j’ai été transplanté avec le rein de mon frère le jour de mes 20 ans. C’était donc un cadeau d’anniversaire.
Douze ans plus tard, la maladie a récidivé. Là encore, j’avais tendance à penser que je n’étais pas prêt à retourner en dialyse. On dit toujours que l’on va se suicider si on y retourne enfin moi c’était un peu ce que je disais et puis, ensuite, on réfléchit quand même plus.
Et puis j’avais vu, lors de manifestations sportives, des dialysés faire d’excellents temps lors de compétitions. J’avais appris qu’en dialyse de nouveaux médicaments, notamment l’érythropoïétine, faisaient qu’on se sentait physiquement beaucoup mieux. Je ne serai donc plus doublé par les grands-mères dans le métro. C’était ma hantise.
A l’âge de 28 ans, la médecine du travail me dépiste une forte albuminurie et m’oriente vers un service de néphrologie. Je subis ma première biopsie rénale en 1982 et suis sorti de l’hôpital sans diagnostic avoué, sans prescription, sans rien. Je travaillais alors dans l’entreprise familiale comme responsable d’affaires. Puis, la responsabilité de chantiers, la direction commerciale, puis la création de ma propre entreprise prenait tout mon temps. Bref, tout allait bien, tout me réussissait. Je me marie, deux joyeux poupons suivent. J’achète une maison en montagne, plus rien ne pouvait donc m’arriver…
Mais voilà, le sort en a voulu autrement. A l’âge de 32 ans, des signes de fatigue commençaient à se faire sentir, des maux de tête souvent intolérables et résistants aux antalgiques, des coups de pompe inexpliqués, etc.… A l’époque, je ne m’inquiétais pas trop.
Demeurant dans la région grenobloise, je décide de me faire suivre par l’équipe hospitalière de Grenoble. Avec beaucoup de tact, les médecins m’ont annoncé que mes reins étaient atteints à la suite d’une glomérulonéphrite chronique. Je réagis de façon puérile, car pour moi, le corps humain était un ensemble de pièces mécaniques, que l’on pouvait changer en cas de défectuosité. Quelque part, j’étais sans le savoir candidat à la greffe. Tout s’est passé très vite, il fallait envisager la dialyse, avec une tension artérielle à 19/12. Je n’étais pas du tout en forme. Bien qu’à l’époque, je ne me sentais pas vraiment malade – j’en refusais même le mot – je finis par me rendre compte que la situation était grave. Des tas de questions me venaient à l’esprit : Pourquoi moi ? Qu’avais-je fait, que n’avais-je pas fait ? Qu’aurais-je dû faire… ? Toutes ces questions n’appelaient malheureusement pas de réponse, le couperet était tombé, j’étais en insuffisance rénale terminale.
Pour mon épouse et moi, ce fut la douche froide, l’effondrement, la catastrophe. Un monde s’écroulait autour de nous. Soudain, une lueur angoissante me vint : nos enfants avaient été conçus pendant cette période. Je me suis donc inquiété auprès de mon néphrologue afin de savoir si nos enfants n’allaient pas être également touchés. Il me rassura en me confirmant que la pathologie rénale dont j’étais atteint n’était pas héréditaire. J’entrais alors dans le circuit de la préparation au traitement par dialyse : un régime très strict pour réduire les surcharges et l’urémie, la création d’une fistule artério-veineuse, puis l’entrée en dialyse et l’éducation à l’autodialyse. Me savoir attaché à une machine pendant des heures et des heures chaque semaine me perturbait. Il a fallu une sacrée dose de patience à mon épouse, une attention toute particulière des infirmières et des médecins, le tout accompagné d’un très gros travail sur moi pour que je commence à accepter ce traitement. Je dis le traitement car je ne pense pas que l’on puisse totalement accepter la maladie.
Dans le même temps, mon médecin néphrologue m’annonça la bonne nouvelle ; je pouvais être candidat à la greffe rénale, ce que je fis bien entendu. C’est à ce moment précis que débuta l’attente, la préparation personnelle à ce geste libérateur. C’est une période subtile où l’on ne doit pas confondre vitesse et précipitation, mais où il faut toujours être prêt, presque comme un scout.
Les semaines et les mois passèrent, les séances se suivaient mais ne se ressemblaient pas, parfois ponctuées de pertes de son et lumière ou autres plaisirs de ce genre. Mais cela ne fait rien, il fallait y aller et encore et encore et toujours, comme si j’étais aspiré par cette machine. Puis un jour, au moment où je m’y attendais le moins, le12 mars 1992, alors que je déjeunais en famille, le téléphone sonna. Mon médecin néphrologue me dit : « Raymond, on a un rein pour toi, 5 identités sur 6, il faut te décider très vite ». Oh oui, j’ai vite pris la décision, et même accepté sur-le-champ, tout en posant toutes sortes de questions d’ordre technique. Je savais très bien que je pouvais être appelé sans pour autant être transplanté, et j’ai réalisé, à ce moment précis, que j’étais réellement prêt. Quelques heures plus tard, j’apprenais avec délice que j’allais être transplanté le lendemain. En salle de réveil, le médecin me rassura, tout s’était bien passé. Mon épouse arriva tout aussi inquiète, épuisée, heureuse et attentionnée. Ouf, nous pouvions pousser tous les deux un soupir de soulagement…Nous avions passé avec succès la première étape. C’est à l’arrivée dans ma chambre de l’unité de transplantation que j’ai réalisé pleinement que la roue avait tourné. La pente ascendante se profilait à l’horizon. J’urinais à nouveau.
Une quinzaine de jours plus tard, je rentrais à la maison. Les trois mois qui suivirent se déroulèrent à merveille. Plus de lien tous les deux jours avec une machine, plus d’angoisse d’avoir bien monté cette machine, etc. Jusqu’au jour, où un coup de fil de mon néphrologue m’appris qu’il fallait venir très vite à l’hôpital, car il y avait un problème sur l’artère du greffon. Il fallait réopérer. Dès mon entrée à l’hôpital, j’ai attrapé une pneumopathie qui retarda l’opération. Enfin, le geste fut pratiqué sans aucun problème. Mais voilà que, pendant la convalescence, le pyocyanique – ce fameux microbe de l’hôpital – ne trouva rien de mieux à faire que d’aller explorer mes entrailles. Il était résistant le bougre, et plus on injectait des antibiotiques, et plus il semblait content. Neuf mois pour l’éliminer.
Je ne parlerai pas ici de la dizaine d’interventions chirurgicales qui suivirent, avec en prime un infarctus du rein propre gauche, nécessitant son ablation, sans oublier un infarctus du myocarde nécessitant la pose d’un stent coronarien. Il m’est souvent arrivé de me poser la question du bienfait de cette transplantation. Même si je n’ai jamais voulu le montrer devant mon épouse et mes enfants, cette période a été très dure. Heureusement, notre couple était solide et nos enfants qui grandissaient me donnaient bien du plaisir et de l’espoir.
Il m’est souvent arrivé de me poser la question du bienfait de cette transplantation. Même si je n’ai jamais voulu le montrer devant mon épouse et mes enfants, cette période a été très dure. Heureusement, notre couple était solide et nos enfants qui grandissaient me donnaient bien du plaisir et de l’espoir. J’ai la chance d’être particulièrement bien entouré par l’équipe de greffe de ce CHU, comme je l’avais aussi été en dialyse. J’ai établi d’excellentes relations avec toutes les équipes médicales et soignantes, et ensemble nous avons pu monter des projets pour la cause de mes amis insuffisants rénaux. Un jour, un néphrologue a dit « la relation établie entre un transplanté et son médecin, c’est comme une vie de couple, il faut que cela dure le plus longtemps possible… « . Comme il a raison !
Mais l’image invisible, qui restera à jamais gravée dans ma mémoire, est celle de ce donneur qui a fait la démarche du passage du flambeau de la vie. Je le vois encore et le verrai toujours. Nous sommes en plein dans un relais quatre fois cent mètres, il a le témoin dans la main, il me le passe en me disant : « Tiens Raymond, vas-y, moi je n’en peux plus, à toi de jouer. »
C’est ainsi que j’ai décidé de prendre mon bâton de pèlerin et de prêcher la bonne parole auprès des jeunes pour les informer, les aider à prendre position pour le don d’organe et leur dire que la vie n’a pas de prix. On la paye parfois au prix fort, mais elle vaut le coup d’être vécue.
Je dédie ce témoignage à Isabelle, mon épouse, à Alicia et Jean-Baptiste, mes enfants. J’adresse mes amitiés et mes plus vifs sentiments de sympathie à la famille de mon donneur que je ne connais pas et que je ne connaîtrais jamais. Enfin, je remercie toutes les équipes médico-chirurgicales qui m’ont aidé et m’aident encore à tenir debout et VIVRE.
En 1982, à l’âge de 17 ans, le Professeur Jean-Pierre Grünfeld m’apprend, avec beaucoup de délicatesse et d’humanité, que je suis atteinte d’une maladie rénale, la maladie de Berger. Connaissant très bien la Manufacture des Gobelins, il adapte le temps de mes hospitalisations à mes activités à la manufacture. Mais en 1983, je n’y échappe pas, je commence ma première séance d’hémodialyse à l’hôpital Necker. C’est un seau d’eau froide qui vous tombe sur la tête. On se sent coupé des autres, des êtres chers. Et un jour, au bout du couloir, une jeune femme blonde est là, elle est restée auprès de moi, m’a pris la main et, depuis ce jour, le Docteur Brigitte Lantz ne m’a plus abandonnée. Elle est pour moi une grande sœur qui m’a ouvert la porte sur un autre monde. Elle m’a accompagnée lorsque j’ai reçu le rein de ma sœur Céline en 1985. Elle était toujours là lorsque j’ai perdu mon greffon. Elle m’a soutenue pendant huit années de dialyse. Et elle m’a tenu encore la main à ma deuxième greffe, veillant sur moi tel un ange gardien.
Cette deuxième greffe, quelle joie ! Joie d’être greffée, mais aussi joie d’être accompagnée par le Professeur Christophe Legendre et son équipe. Grâce à toutes ces personnes, j’ai pu être nommée responsable de l’atelier de haute lisse de la Manufacture nationale des Gobelins, où j’ai rencontré de grands maîtres tels Pierre Aléchinsky, Vincent Bioulès, Erro, Bertrand Lavier, Claire Pichaud, François Rouan, Claude Rultaut… Ce fut pour moi une grande fierté.
Lorsque Brigitte a organisé le premier colloque de la Fondation du Rein, elle m’a demandé de témoigner sur la greffe familiale et la greffe de donneur anonyme. Chaque année, pour illustrer le programme du gala de la Fondation, elle m’honore en me demandant d’y participer…
De nouveau en attente d’une double greffe, hépatique et rénale, je remercie la Fondation du Rein et l’association « Don de Soi…Don de Vie », que préside mon amie Marie Berry, pour tous leurs efforts, leur soutien et leur bienveillance à l’intention des patients en attente de progrès thérapeutiques et de greffes.
Sophie Nivière nous a maintenant quittés, mais elle n’a jamais manqué de participer activement à tous les galas de la Fondation du Rein.
C’est une formidable révolution médicale et humaine que raconte Yvanie Caillé et le Dr Frank Martinez, respectivement patiente et néphrologue à l’hôpital Necker, dans un livre intitulé « D’autres reins que les miens – Patients et médecins racontent l’aventure de la dialyse et de la greffe » et publié en 2015 aux Editions du Cherche-Midi. Ils ont choisi de donner la parole à celles et ceux, malades et médecins, qui l’ont vécue et écrite.
Ce livre passionnant met à la disposition des lecteurs l’histoire mêlée des deux traitements de suppléance de l’insuffisance rénale terminale, la dialyse et la transplantation. Il donne la parole à plusieurs acteurs de l’aventure de l’insuffisance rénale terminale : Pr Gabriel Richet, Pr Claude Jacobs, Pr Henri Kreis, Dr Jeannine Bedrossian, Pr François Berthoux, Pr Paul Jungers, Régis Volle…
Au fil des pages, les débuts de la dialyse sont retracés. Le Pr Gabriel Richet raconte les débuts de la dialyse à l’hôpital Necker dans le service du Pr Jean Hamburger, avec l’épisode d’une femme atteinte d’insuffisance rénale aiguë suite à une infection du post-partum qui subit en 1951 une dialyse intestinale pendant une semaine avant que ses reins ne récupèrent. Pendant longtemps, la dialyse est réservée aux patients atteints d’insuffisance rénale aiguë. En 1960 survient la rupture, au premier congrès de Néphrologie à Evian où l’Américain Belding Scribner présente les premiers malades traités par hémodialyse chronique. Mais comme le raconte Régis Volle, fondateur de la FNAIR, la majorité des néphrologues de l’époque ne réalisent pas la portée de l’évènement. Les néphrologues ne croient pas à l’avenir de la dialyse chronique, en raison des contraintes d’organisation, de coût, et de la complexité du traitement. Pourtant certains centres de dialyse chronique démarrent dès 1961 comme celui du Pr Jules Traeger à Lyon. Le drame est qu’il n’y a pas de place pour tout le monde. Les malades sont sélectionnés par un comité appelé « tribunal des dieux ». Régis Volle raconte sa mise en hémodialyse par le Dr Guy Laurent dans le service du Pr Traeger, alors que son dossier avait initialement été refusé par le comité. Au niveau national, la prise de conscience est plus tardive. Le Pr Claude Jacobs raconte les débuts de la dialyse chronique à Paris et les réticences des néphrologues parisiens à voir cette activité se développer à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris. Le Pr Paul Jungers raconte la réunion du 16 novembre 1966 en France, le premier colloque de santé publique de l’INSERM, consacré à la dialyse, où pour la première fois, il est décidé de prendre en charge 1 250 nouveaux dialysés chaque année alors que seule une centaine de patients sont traités jusque-là… Aux USA, les choses avancent lentement aussi. Le Pr Paul Jungers raconte l’histoire du patient récusé pour la dialyse en 1972, qui se rend au Congrès américain et qui effectue une séance de dialyse devant les parlementaires. C’est cet évènement qui déclenche la prise en charge de la dialyse par le gouvernement américain. Régis Volle, quant à lui, raconte l’histoire de ses accès vasculaires, d’abord les shunts, fragiles, puis sa première fistule artério-veineuse qu’il va faire créer à Toulouse à la fin des années 60. « Toulouse était alors le seul endroit de France où l’on pouvait trouver un chirurgien capable d’en créer une ». Le Pr Paul Jungers raconte également l’histoire extraordinaire de l’essai du vaccin contre l’hépatite B en 1979 chez des patients et des soignants des services d’hémodialyse, l’un des premiers essais randomisés contre placebo menés en France.
Les débuts de la transplantation rénale sont largement évoqués avec des histoires impressionnantes. Le premières transplantations tentées à partir de reins prélevés sur des condamnés à mort exécutés. Ces transplantations se soldent toutes par des échecs, mais elles permettent de mettre au point la technique chirurgicale. Puis arrivent les premiers succès. Succès transitoire avec la greffe de Marius Renard à l’hôpital Necker à Paris en décembre 1952 avec un rein de sa mère, premier donneur vivant de l’histoire. La greffe tient une vingtaine de jours avant de se terminer par un rejet. Premiers succès complets avec les greffes réalisées entre vrais jumeaux à Boston en 1954, 1960, puis à Paris en 1961. La suite est racontée par le Pr Henri Kreis. Au début des années 60, l’immunodépression est réalisée par irradiation corporelle totale, puis le sérum anti-lymphocytaire est mis au point. Des doses très importantes de corticoïdes sont utilisées. Jusqu’aux années 1980, la greffe est un traitement moins sûre que la dialyse. Régis Volle raconte que beaucoup de néphrologues déconseillent formellement la greffe à leurs patients. Puis au cours des années 1980, l’arrivée de la ciclosporine fait que les résultats de la greffe s’améliorent très significativement.
Ce livre raconte aussi l’histoire peu connue des prélèvements d’organe. Le Pr Henri Kreis explique que jusqu’en 1965, la greffe est presque toujours réalisée avec des donneurs vivants, frères, sœurs, parents ou cousins. Il raconte le premier prélèvement sur personne décédée en « coma dépassé » réalisé en 1962 sous la direction du Pr Jean Hamburger. La notion de coma dépassé est récente puisqu’elle n’a été établie qu’en 1959 par les neurologues Maurice Goulon et Pierre Mollaret. Le réanimateur Alain Tenaillon explique que le terme de coma dépassé est remplacé par celui de mort encéphalique en 1967 ce qui permet d’étendre les prélèvements sur ce type de donneurs. Pourtant, le Dr Tenaillon raconte qu’il n’a jamais entendu parler des prélèvements d’organe dans les congrès de réanimation avant la fin des années 1980. Il relate les premiers prélèvements à l’hôpital d’Evry dans les années 1990, l’opposition des chirurgiens, des anesthésistes et des infirmières du bloc opératoire qui ne veulent pas pratiquer cette activité qui heurte leurs convictions. Tout cela montre bien le caractère révolutionnaire de cette activité de prélèvements d’organes. Il souligne bien les difficultés éthiques parfois encore présentes aujourd’hui chez de nombreuses personnes. Au début des prélèvements sur patients en mort encéphalique, tout se fait sous la conduite des néphrologues. Ils passent leur temps à appeler les services de réanimation de Paris. Dès qu’on leur signale un cas de coma dépassé, ils se rendent dans le service et gèrent tout, y compris les entretiens avec les familles. Quelques années plus tard, le système est heureusement modifié par la loi qui « instaure une indépendance totale entre les équipes de prélèvement et de greffe ».
La dernière partie du livre relate des expériences plus personnelles, celles de patients dialysés, puis greffés… celles d’une jeune néphrologue, le Dr Elisabeth Tomkiewicz. Ces témoignages sont intéressants car ils laissent percevoir la grande complexité de la médecine et des soins. Il y a plusieurs manières d’exercer le métier de soignant, comme il y a plusieurs manières de vivre sa maladie pour une personne malade. Ces témoignages sont respectueux des personnes mais ils racontent des histoires capables de remettre en question beaucoup de certitudes et de jugements qui semblent si solidement établis.
En conclusion, un très beau livre sur l’histoire globale de la néphrologie, dialyse et transplantation réunies, un livre à mettre entre toutes les mains…
Pr Philippe Brunet
Président de la Société Francophone de Dialyse, Président du Fonds du Rein
Je m’appelle Cynthia, j’ai 21 ans. À l’âge d’un an je suis tombée malade suite à une gastroentérite qui a provoquée un syndrome hémolytique et urémique (SHU). Lorsque mes reins ont cessé de fonctionner à l’âge de 5 ans, j’ai été traitée par dialyse. Quelques mois plus tard, mon père est parti travailler aux USA, en Floride, et je l’ai suivi avec ma mère et mon frère aîné. J’ai eu la chance de bénéficier un an plus tard d’un merveilleux don de Maman, un de ses reins, qui m’a été greffé en 1997 à Miami par le Professeur Miller.
L’année suivante, Madame Donna Shalala, Ministre de la Santé de l’administration Clinton, a demandé à plusieurs enfants greffés de raconter leur histoire. C’est ainsi que j’ai été l’un des trois enfants choisis pour témoigner devant le Congrès américain, afin d’aider le Président des USA à faire voter une loi (The First Family Pledge) favorisant le don d’organes.
Après ma greffe, mes parents m’ont inscrite dans un club de natation à Miami, où nous habitions, et j’ai poursuivi la natation à notre retour en France en 2001. J’ai pu ainsi participé aux Jeux Mondiaux des Transplantés en 1999 à Orlando (Floride) sous le drapeau américain, puis en 2001 à Kobé au Japon, ainsi qu’en 2003 à Nancy sous le drapeau français. J’ai gagné plus de 30 médailles (or et argent).
J’ai moins nagé par la suite et arrêté la compétition pour raisons scolaires. J’ai préféré pratiquer d’autres sports tels que l’escrime, le badminton et le volley-ball. Cela fait maintenant 15 ans que je vis avec son rein et tout va pour le mieux depuis.
C’est en 2001 que j’ai rencontré Liz Schick à l’occasion des Jeux mondiaux des Transplantés au Japon. Liz a été greffée du foie en 1997, l’année où j’ai moi-même bénéficié de ma greffe de rein. Cette styliste anglaise avait créé peu de temps après une association en Suisse, TACKers (Transplanted Adventure Camp for Kids), dont le parrain est le comédien anglais, Roger Moore. Elle m’a invitée à participer à sa première semaine de camp d’hiver pour apprendre à skier. C’est ainsi que je suis partie pour mon premier camp en Suisse dans un chalet avec d’autres enfants greffés en 2001. J’y suis retournée deux ans plus tard dans les mêmes conditions. En 2012, je suis devenue volontaire pour cette association afin de donner à d’autres enfants greffés ce que j’avais eu la chance de recevoir dix ans plus tôt, de merveilleuses vacances de ski auprès d’enfants vivant les mêmes difficultés que moi.
Le camp offre une opportunité aux enfants d’apprendre le suivi du régime des médicaments post-transplantation en dehors de l’environnement hospitalier dans une ambiance saine et enrichissante. Ces camps aident les enfants à s’amuser ; ils leurs redonnent confiance en leur démontrant, ainsi qu’à leurs parents, qu’ils peuvent faire les mêmes choses que les autres. Par la même occasion ces camps sont un moyen de témoigner des superbes résultats du don et de la transplantation d’organes aux personnes en liste d’attente, aux professionnels de la santé, au public et surtout aux familles de donneurs.
Après mon Baccalauréat en Sciences Economiques et Sociales en 2010, je me suis orientée vers des études universitaires de psychologie. En mars 2012, j’ai eu l’occasion de participer à nouveau, mais en tant que volontaire, aux camps d’hiver pour enfants greffés qu’organisait TACKers. Cette première expérience m’a permis de réaliser que je voulais m’engager pleinement dans le bénévolat associatif pour promouvoir le don de rein et d’organes, à la fois en témoignant de mon expérience et en aidant d’autres enfants greffés. J’ai donc participé en mars 2013, au moment de la Journée Mondiale du Rein, à un autre camp d’hiver comme volontaire à Anzère (Suisse), en avril 2013 à Antalya, en Turquie, et en juillet 2013 à un camp en Norvège à Christiansand.
Toutes ces expériences d’accompagnatrice me conduisent à envisager, comme jeune femme greffée alors qu’elle était enfant, d’entreprendre une formation en Angleterre dans le sport et la santé.
Je souhaite ainsi, par mon témoignage, continuer à aider la Fondation du Rein, même si je suis dans un autre pays d’Europe, tout en promouvant la greffe de rein et en donnant aussi de l’espoir et de la joie, par la création d’événements festifs et ludiques pour les enfants dialysés qui n’ont pas encore eu la chance d’être greffés. Mon témoignage peut, je l’espère, aussi conduire des personnes à donner un rein de leur vivant ou après leur décès, comme cela fut le cas lorsque j’ai été interviewée par la journaliste Brigitte-Fanny Cohen en 2003 à l’occasion du premier Gala de la Fondation du Rein à Versailles. C’est grâce à la greffe de rein que des jeunes pourront réapprendre à vivre.
Comme le dit si joliment Sir Roger Moore : « La plupart des gens n’auront jamais la chance de changer le monde dans lequel ils vivent, mais les donneurs d’organes sauvent la vie de plusieurs« .